L’Ecole d’Amsterdam (Amsterdamse School)
Magnifique ville, Amsterdam est connue pour ses canaux, ses maisons à l’architecture dite hollandaise qui les bordent, ses musées particulièrement bien pourvus et divers mais recèle d’autres richesses, notamment celles de l’Ecole d’Amsterdam.
Eclipsée par les atouts d’Amsterdam plus populaires ou plus académiques, l’Ecole d’Amsterdam mérite à elle seule un voyage à Amsterdam pour admirer les bâtiments de ce courant architectural propre aux Pays-Bas et qui s’est épanoui dans leur capitale. Ce mouvement est habituellement cantonné entre 1910 à 1930 (plus ou moins). J’affectionne tout particulièrement ces années en matière d’architecture et d’arts décoratifs, qui accompagnent le renouveau de la société et les aspirations de la population, en revêtant des formes spécifiques d’un pays à un autre.
La Société Maritime d’Amsterdam
La Société Maritime d’Amsterdam (Het Scheepvaarthuis) est considérée comme le premier bâtiment représentatif de l’Ecole d’Amsterdam. Ce grand bâtiment aux façades en briques formant des travées élancées et régulières est l’œuvre de Johan van der Mey qui a aussi fait appel aux talents des architectes Piet Kramer et Michel de Klerk pour l’accompagner dans cette entreprise. A l’extérieur le traitement du faîtage, des cheminées et des tours d’angle attire immanquablement l’attention. 200 formes de briques différentes ont été utilisées pour façonner ce bâtiment et 29 bustes de personnages célèbres en relation avec la mer et le commerce ornent les façades.

Tel un vaisseau amiral, l’Hôtel Amrâth à Amsterdam se dresse en bord de quai.
Crédit photo Hôtel Amrâth.
Cet immeuble de la Société Maritime dont la construction s’est étalée de 1913 à 1916 avait été commandé par six compagnies maritimes pour y installer leurs bureaux. Une deuxième tranche de travaux avait été réalisée en 1926. Il est situé à l’endroit à partir duquel la Compagnie Van Verre lança se première expédition vers les Indes orientales en 1595.Avant de pénétrer dans les bureaux, les visiteurs passaient par une magnifique cage d’escalier éclairée par des vitraux blancs évoquent la mer : l’océan indien, la Méditerranée, l’océan pacifique et l’océan atlantique que parcouraient les navires des occupants et qui faisaient leur richesse. On y trouve aussi les signes du zodiaque.

Ferronneries travaillées soutenant les vitraux de la cage d’escalier de l’Hôtel Amrâth à Amsterdam.
Crédit photo Hôtel Amrâth.
Des médaillons sur les murs reprennent des éléments de la faune maritime : poissons, coquillages ou homards. Une magnifique réalisation architecturale qui symbolise aussi l’activité historique des Pays-Bas tournés vers la mer. Le bâtiment a été classé en 1973.

Des animaux marins en relief montent à l’assaut de la cage d’escalier de l’Amrâth à Amsterdam.
Crédit photo Hôtel Amrâth.
L’aménagement intérieur était cossu et sophistiqué comme pouvait le faire présager ses façades.

Caissons au plafond, boiseries aux murs et épais tapis, ce salon de l’Hôtel Amrâth à Amsterdam a conservé une décoration en harmonie avec le bâtiment.
Crédit photo Hôtel Amrâth.
Depuis 2007, l’immeuble de la Société Maritime d’Amsterdam a été transformé en hôtel 5 étoiles, Le Grand Hôtel Amrâth. Ceux qui n’y résident pas peuvent admirer ses façades et sa cage d’escalier. Le personnel est très compréhensif.
Grand Hôtel Amrâth, 108, Prins Hendrikkade, Amsterdam, www.amrathamsterdam.com
Het Schip
Le Het Schip ou le navire, surnom donné à l’un des trois immeubles de cet ensemble d’habitations en raison de sa forme, est un exemple de logements ouvriers particulièrement bien réussis et que l’on doit à l’Ecole d’Amsterdam et plus particulièrement à l’architecte Michel de Klerk.
La loi de 1901 sur le logement avait été votée aux Pays-Bas pour lutter contre des conditions d’habitations insalubres, notamment du cœur historique d’Amsterdam. Dans ce contexte des coopératives ouvrières pour l’habitat ont pu se constituer pour financer des logements dignes. Eigen Haard que l’on peut traduire par Notre cœur commanda à Michel de Klerk cet ensemble, dans le quartier Spaandammerbuurt, dont la construction a commencé en 1913 pour se terminer en 1920. Michel de Klerk a eu recours à la brique pour développer des façades aux courbes amples et rassurantes et dessiner quelques fantaisies architecturales : tour effilée ou motif en relief.
L’ensemble comprenait une école et une poste. Cette dernière est devenue le musée de Het Schip.

Le Musée de Het Schip d’Amsterdam est installé dans l’ancien bureau de poste dont le mobilier a été conservé. Ici, une cabine téléphonique.
Crédit photo Het Schip.
On peut visiter un appartement reconstitué, voir du mobilier urbain dans un jardinet et prendre un thé dans un petit café sympathique. Jugés à l’époque trop luxueux pour des appartements à loyer modéré, ces bâtiments ont particulièrement bien résisté aux outrages du temps.
Het Schip, 140 Spaarndammerplantsoen, Amsterdam, www.hetschip.nl
Pour s’y rendre, c’est tout simple. Il suffit de prendre le bus 22 devant la gare et de descendre au terminus.
Le cinéma Tuschinski
Est-ce que le cinéma Tuschinski est un pur bâtiment de l’Ecole d’Amsterdam ? Peut-être pas, les influences se croisent et se mélangent –Ecole d’Amsterdam, Jugendstil, Art Déco-. On y ajoute une pincée d’exotisme et les rêves d’Abraham Icek Tuschinski, un tailleur juif polonais que les Etats-Unis et le cinéma faisait fantasmer. Après avoir créé quatre cinémas à Rotterdam, il arrive à Amsterdam et y monte un palais du cinéma qui devait être ce qu’il y avait de mieux tant au niveau technique qu’architectural. Le cinéma Tuschinski ouvre en 1921. Sa haute façade tranche sur les immeubles environnants.
Tourelles latérales, bow-window central, sculptures, ferronneries et lampes constituent un ensemble sans pareil.
Le hall d’entrée avec ses tapis colorés, ses éclairages imposants est bien dans le ton. La grande salle tout aussi étonnante par la richesse de son décor est éclairée par un étonnant plafonnier qui dessine un grand motif.
Au Tuschinski, tous les détails sont recherchés des éclairages nombreux et variés aux barres des portes très travaillées en passant par les petits panneaux de numérotation des loges.

Même les poignées de porte en métal et bois du Tuschinchinski à Amsterdam ont fait l’objet d’un traitement très soigné.
Le spectacle n’est pas seulement sur la scène mais dans tout le bâtiment.
Abraham Icek Tuschinski est mort en 1942 dans un camp de concentration, comme tous ses proches. Mais son beau rêve lui a survécu. Propriété de Pathé, il a été restauré à l’identique et de nouvelles salles lui ont été annexées à l’arrière.
Pathé Tuschinski, 26-34 Reguliersbreestraat, Amsterdam, www.tuschinski.nl
De Bazel, Archives municipales d’Amsterdam
Ce gigantesque bâtiment qui fait une centaine de mètres de longs porte le nom de son architecte, Karel de Bazel qui mourut en 1923 avant la fin de la construction en 1926, les travaux ayant commencé en 1919.
Il avait été commandé par la Nederlandsche Handel Maatschappij, un organisme de commerce. Il alterne briques et éléments de granit parfaitement calpinés.
La travée centrale en façade et qui correspond à la cage d’escalier est constituée de vitraux.
Depuis 2007, les abrite les Archives municipales d’Amsterdam et leur 35 km de fonds.
De Bazel, 32 Vijzelstraat, Amsterdam, www.stadsarchief.amsterdam.nl
Beurs van Berlage (Bourse van Berlage)
Ce bâtiment est lui aussi lié à l’histoire commerciale des Pays-Bas et à leur tradition de voyages aux longs cours. Dès 1611, Amsterdam a disposé de sa bourse, la première au monde. Ce serait du terme « beurs » que viendrait le nom français « bourse ». Ce bâtiment était d’ailleurs à ciel ouvert. Une nouvelle bourse est créée en 1845 mais dont la capacité s’avère rapidement insuffisante et le style achitectural démodé. Il fallut quinze ans pour que la Beurs van Berlage avant que cette bourse ne soit inaugurée en 1903 par la Reine Wilhelmina.

La Beurs van Berlange d’Amsterdam se signale par une tour d’angle carrée.
Crédit photo Beurs van Berlange.
Les travaux avaient démarré en 1898. Cet immense bâtiment de 5.500 m² en brique rouge est flanqué d’un tour carrée. Il a été dessiné par l’architecte H.P. Berlage considéré comme le précurseur de l’Ecole d’Amsterdam. H.P. Berlage a associé à son travail celui de peintres et de sculpteurs. En rupture avec l’architecture de l’époque, sa simplicité associée à son côté fonctionnel a été vivement décriée. Selon H.P. Berlage, les 9 millions de briques utilisées pour construire l’édifice représentaient chacune un homme, un ouvrier et le bâtiment figurant la société constituée d’une multitude d’individus dont elle tire sa force. Une conception un peu ironique pour une bourse, outil du capitalisme. Ce message n’a été que moyennement apprécié par les utilisateurs de la bourse. Désaffectée en 1985, la Bourse van Berlage est devenue un lieu de spectacles, de colloques et d’exposition.

L’une des vastes salles de réception de la Beurs van Berlage d’Amsterdam.
Crédit photo Beurs van Berlage.
L’actuel roi de Hollande s’y est marié en 2002. Elle se visite le samedi matin. Le tour démarre à 10h30 à partir de son café.

Avant ou après la visite de la Beurs van Berlage d’Amsterdam, on peut s’arrêter à son café.
Crédit photo Beurs van Berlage.
Une belle vue sur Amsterdam attend les visiteurs qui montent jusqu’en haut de la tour.
Beurs van Berlage, 277 Damrak, Amsterdam, www.beursvanberlage.nl
Salon de thé à Amsterdam
Pour rester dans ce registre, faites une halte pour prendre un thé ou plus au Café Américain. Situé tout près du Théâtre municipal, entre la place du Dam et le quartier des grands musées d’Amsterdam, il est tout indiqué pour y faire une pause.
Construit en 1902 par l’architecte Willem Kromhout, il est typé Art Nouveau avec ses vitraux, ses fresques, ses luminaires.

Vitraux et arche de la décoration Art Nouveau du Café Américain d’Amsterdam.
Crédit photo Café Américain.

Le comptoir de bar du Café Américain d’Amsterdam est adossé à une grande fresque.
Crédit photo Café Américain.
L’ambiance est cosy et chaleureuse. Au milieu, journaux et revues sont disposés en quantité sur une grande table et invitent à la lecture.

La table de lecture est installée au centre du Café Américain d’Amsterdam.
Crédit photo Café Américain.
L’écrivain hollandais, Harry Mulisch avait l’habitude d’y venir très régulièrement. Le Café Américain fait partie de l’Hôtel Américain.
Café Américain, 97 Leidsekade, Amsterdam, www.cafeamericain.nl
Mon coup de coeur à Amsterdam
Vous pouvez ramener des bulbes de tulipe que vous aurez acheté au marché aux fleurs, de la faïence de Delft mais j’ai découvert un joaillier dont les créations m’ont paru bien plus intéressantes que les bijoux qui sont proposés à l’achat à la sortie du musée des diamants.
Hans Appenzeller est un véritable artiste qui a un style bien reconnaissable. Formé à la Rietveld Academy, il a commencé par monter avec un partenaire une galerie à Amsterdam en 1969, la première galerie dédiée à la joaillerie aux Pays-Bas. Il y présentait ses propres créations mais aussi celles d’autres designers ou des bijoux Art Déco. Hans Appenzeller s’est alors essayé à travailler sur des matériaux nouveaux comme l’aluminium pour accompagner les changements qui agitaient alors la société. En 1974, il ouvre sa première boutique et en 1975 il déménage. Dans cette boutique très sobre, il est en mesure de montrer toutes ses créations dont certaines remontent à 1969. Elles sont toutes épurées, une caractéristique des pièces d’Hans Appenzeller. Les lignes et les volumes sont parfaitement équilibrés, harmonieux. L’inventivité est toujours présente mais Hans Appenzeller imagine des bijoux modernes qu’il veut portables. Car rien n’est plus triste qu’un bijoux qui fait pénitence dans un coffre ou qu’on oublie parce qu’il ne peut pas nous suivre au quotidien, faute d’être pratique ou parce qu’il est prétentieux. Bagues sculptures, bracelets « clap » ou autre, colliers aux maillages souples et très variés, ils peuvent tous nous accompagner quelles que soient les circonstances.
Hans Appenzeller, 1 Grimburgwal, Amsterdam, www.appenzeller.nl
Hôtel à Amsterdam
Grand Hôtel Krasnapolsky
Idéalement situé place du Dam, le Grand Hôtel Krasnapolsky reste un bien tenu mais a sacrifié son âme au profit du tourisme d’affaires. Il semble qu’il a été agrandi au-delà de son périmètre d’origine et augmenté sa capacité. Cela lui permet d’héberger des hommes d’affaires et d’accueillir des salons professionnels et des colloques. Ce qui modifie quelque peu l’ambiance. Les petits-déjeuners sont habituellement servis dans le jardin d’hiver dallé de noir et de blanc et superbement décoré sous la grande verrière. Mais il n’est pas toujours disponible. Ainsi, lorsque nous y sommes descendus, ce jardin d’hiver était occupé par des stands et inaccessible. Nous avons pris notre petit-déjeuner pendant plusieurs jours dans une salle triste, sombre, au plafond bas qui n’était pas très glamour. Heureusement, le week-end arrivant, les professionnels sont repartis chez eux et nous avons pu profiter un peu du fameux jardin d’hiver. En revanche, le high tea du dimanche après-midi ne semble plus être d’actualité. Dommage.
Grand Hôtel Krasnapolsky, 9 Dam, Amsterdam, http://www.nh-hotels.nl.
Pour se renseigner :
Je n’ai évoqué dans ce texte que quelques grands lieux de l’Ecole d’Amsterdam mais vous pouvez vous préparer un circuit plus complet à faire, pourquoi pas, à bicyclette, moyen de locomotion apprécié des Hollandais. Par jour de grand vent, la place du Dam ressemble à un grand champ de ferrailles entremêlés, les bicyclettes basculant comme un château de carte.
Et si j’ai eu envie d’évoquer plus particulièrement l’Ecole d’Amsterdam qui me semble peu connue du grand public, j’ai malgré tout déambulé dans toute la ville pour m’imprégner de son atmosphère et voir les traditionnels lieux d’attraction d’Amsterdam : les musées, le quartier rouge et ses dames en vitrine, l’ambiance des canaux. J’ai un souvenir tout particulier de l’émouvante maison où Anne Frank a vécu cachée, avant d’être déportée.
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Ce sont de très bons commentaires qui donnent vraiment envie de se promener et s’arrêter sur ces bâtiments.
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Amsterdam est déjà une belle ville, très typique avec ses canaux mais j’ai pris un grand plaisir à découvrir ces bâtiments assez exceptionnels. Le Het Schip un peu excentré mérite vraiment un détour en raison de son architecture imposante mais aussi parce que cet ensemble représente une période de mutation dans l’habitat. Les personnes aux moyens financiers réduits quittent les immeubles insalubres du centre ville pour s’installer dans des appartements avec tous les équipements nécessaires, ce qui était un grand pas à l’époque. Ils peuvent enfin vivre dans des conditions décentes.
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