Deuxième visite à Bilbao qui mérite bien qu’on s’y arrête. La ville a su se moderniser, tout en gardant son âme, loin du tourisme de masse. Son histoire est visible dans son urbanisme avec la vieille ville, le Casco Viejo, dans le creux d’un petit coude de la Ria del Nervion et le l’Ensanche, la ville nouvelle, de l’autre côté.

Une expansion rendue nécessaire à partir du milieu du XIX ème siècle par les nouvelles activités basées sur la métallurgie et l’activité navale à l’origine de l’enrichissement de Bilbao. Depuis quelques décennies, le tertiaire et la culture ont pris le relais. Et Bilbao a su encore une fois se renouveler sans se renier.
Au secours de Puppy
Dans un article précédent, j’ai évoqué le fameux musée Guggenheim conçu par l’architecte Frank Gehry et ouvert depuis 1997. Sa silhouette aux reflets métalliques est indissociable de Bilbao. Puppy fait partie des sculptures qui entourent le Guggenheim.

Ce grand chien, un West Highland Terrier, de douze mètres de haut, habité par des fleurs multicolores, qui changent tous les ans, est l’œuvre de Jeff Koons. Il accueille les visiteurs du musée dont il est devenu la mascotte. Actuellement, ce charmant quadrupède aurait besoin d’une bonne séance de toilettage, c’est pour cette raison que le Guggenheim a lancé une opération de crowdfunding à laquelle tout le monde peut participer. Il devient en effet nécessaire de rénover la structure avec le système d’arrosage intégré et les couches de substrats qui permettent aux fleurs de pousser.
En parlant de petites bêtes, je ne résiste pas au plaisir de vous montrer une étrange chauve-souris, un couple d’ours, un ravissant petit singe.



Dans un autre registre, j’ai trouvé une fontaine dont les lignes m’ont éblouie.

Le Kiosque del Arenal
Après la petite revue que j’avais faite de bâtiments Modernistes à Bilbao, lors de mon dernier passage, il me restait quelques réalisations à aller voir. Le Kiosque à musique del Arenal en faisait partie.

Ce bâtiment qui se trouve sur le paseo del Arenal est loin d’être un simple kiosque à musique tel qu’on en voit avec une toiture plus ou moins travaillée supportée par des piliers en périphérie. L’architecte Bermeo Pedro Ispizua (1895-1976), natif de Bilbao, en a fait une création beaucoup plus complexe. Ispizua a fait des « travaux pratiques » avec Gaudi sur le chantier de la Sagrada Familia et c’est Domenech i Montaner qui l’a recommandé à l’architecte municipal de Bilbao. Des références prestigieuses. Ainsi en 1927, il s’attaque à la conception du Marché de la Ribera et du Kiosque à musique. Celui-ci oscille entre Modernisme et Art déco.

Il adopte une forme en demi-cercle. Le sol est surélevé sur une base en verre et le kiosque sans poteau est protégé par un toit en surplomb festonné comme une marquise. Les côtés sont délimités par des structures en verre aussi, évoquant deux éventails superposés. Le plafond est constitué par un grand vitrail. Cet ensemble est adossé à une construction en pierre ornée de colonnes.

Des escaliers amènent à un café en sous-sol, dont le sol et les murs sont habillés de dalles en marbre blanc scandées par des cabochons en marbre rouge qui renvoie au comptoir du bar, lui aussi arrondi. Chaises et tables sont dans l’esprit du mobilier Thonet.
Le lavoir Moderniste de Castaňos
Plus franchement Moderniste, l’ancien lavoir de Castaňos est converti en centre civique. C’est l’architecte Ricardo Batista, qui après avoir fait ses classes à Barcelone à l’école d’architecture dirigée alors par Domech i Montaner, est chargé en 1905 des chantiers de l’Alhondiga (devenu depuis le centre culturel Azkuna Centroa), de ce lavoir, 11 Castaňos Kalea, un bâtiment d’angle, et de celui de San Mames.

La ville avait passé ces commandes de lavoirs pour que la population puisse avoir du linge propre afin d’endiguer les épidémies de choléra. En 1943, le lavoir de Castaňos est transformé en marché avant de devenir en 2009 le centre civique actuel qui a nécessité une surélévation.


Malgré cet ajout, l’architecture Moderniste se lit parfaitement avec le mélange de matériaux et de couleurs : pierre, briquettes, céramique, fer forgé. Les formes des ouvertures sont aussi très caractéristiques.


L’encadrement des fenêtres en pierre est ovalisé, le tour des portes suit dans un mouvement sinueux la forme de l’imposte et de la porte. Les menuiseries des fenêtres sont particulièrement recherchées avec d’étonnants enroulements du bois.
Un salon arabe à la Mairie de Bilbao
Si Bilbao fut fondée en 1300 par Don Diego Lopez de Haro, la première mairie bien identifiée se trouvait sur la Plaza Vieja à partir du début du XVI ème siècle, dut déménager suite à des inondations et ce n’est qu’en 1892 que les élus ont commencé à occuper le bâtiment que nous connaissons actuellement et qui fut construit à l’emplacement du Monastère San Agustin par l’architecte municipal Joaquin Rucoba (1844-1919) en poste depuis 1883. Le bâtiment est imposant de l’extérieur mais l’intérieur est très soigné avec son grand escalier en marbre et ses vitraux.


Les blasons racontent l’histoire de la ville tout comme les portraits de la galerie des maires, à l’étage. La salle du conseil est précieuse avec ses ors qui ressortent sur les boiseries vertes et les rideaux bordeaux. Les meubles en bois et cuir ont été exécutés à Bordeaux.

Les matériaux et des décors de la mairie ont beau être recherchés et raffinés, l’une de ses salles éclipse toutes les autres par son extraordinaire composition, c’est le salon arabe.


Cet immense pièce avec ses trois espaces en enfilade renoue avec les fastes orientaux qu’on est plus habitué à voir à Grenade ou à Séville. Là, c’est une débauche de couleurs, de caissons finement travaillés, d’arcs aux bords dentelés. Joaquin Rucoba a repris avec brio les codes du style Mudejar. Le bois a été utilisé pour imiter le bois ou l’ivoire tandis que les fournisseurs ont été choisi avec soin : lampes de Dellafolie à Paris, carreaux de la Cartoucherie de Séville ou de Pickman y Cia.
Joaquin Rucoba, avec cette réalisation néo-Mudejar, s’inscrit dans un courant « Alhambriste » qu’on retrouve en musique avec Enrique Granados, Isaac Albeniz ou Manuel de Falla ou en littérature, l’Alhambra servant de cadre à certains romans.

En 1859, José Amador de los Rios dans son discours d’entrée à la Real Academia de Bellas Artes de San Fernando, « Le style mudéjar dans l’architecture » avait mis en avant le caractère national espagnol du Mudéjar au même titre que le gothique en France.

Ce Salon Arabe de la Mairie de Bilbao fut utilisé pour le repas de gala de l’inauguration de la mairie en 1892 et continue à accueillir de grands événements.
La Sociedad Bilbaina, une institution
Ambiance feutrée à la Sociedad Bilbaina, un club privé à l’anglaise situé kalea Navarra, 1. Fondée en 1839, la Sociedad Bilbaina a fait construire cet imposant bâtiment à Emiliano Armann pour s’y installer en 1913 car l’immeuble de la Plaza Nueva devenait trop petit. Ce club a connu le succès dès son départ.
En 1839, 133 personnes s’étaient réunies pour constituer ce lieu d’échanges, l’année suivante, la Sociedad Bilbaina comptait 240 adhérents et 300 en 1843.


Ses membres trouvent là un endroit de détente où ils peuvent aussi amorcer des affaires dans une ambiance agréable et feutrée. La Sociedad Bilbaina est le reflet d’une partie de la vie économique et culturelle de Bilbao depuis plus d’un siècle.

Au-delà du rôle que ce club peut jouer, le bâtiment de style éclectique et déclaré bien culturel est un exemple d’architecture entre la majesté des espaces et les aménagements choisis.

La grande entrée sur la rue et l’escalier majestueux éclairé par une coupole en vitraux amènent aux différents salons ainsi qu’à la vaste salle à manger, à l’étage.


Plus haut, le secrétariat a été conservé avec ses boiseries et ses parements en verre enchâssés dans des encadrements en laiton rutilant.


Quelques chambres ont aussi été aménagées pour accueillir des invités venant de clubs partenaires. La bibliothèque est l’un des atouts de la Sociedad Bilbaina.

Le cadre a conservé son charme d’antan mais surtout elle a fonds de 40 000 livres dont 6 incunables et 1 000 ouvrages du XVI ème siècle.
Les géants et les grosses têtes de Bilbao
Le musée basque était fermé, pour travaux semble-t-il, mais je n’ai pas tout perdu. Ce musée occupant depuis 1921 le collège de San Andrés fondé par les Jésuites au XVII, a laissé ouvert à la visite le cloître à trois étages qui constitue le cœur du bâtiment et y installé les géants et les grosses têtes de Bilbao.


Ces personnages qui font partie de la tradition ont connu un sort varié au cours des siècles. On les voit apparaître au XVI ème siècle, ils viennent enrichir le cortège religieux de la fête du Corpus Christi. Et la première évocation écrite date de 1654 avec quatre costumes de rois maures.
La mauresque vient plus tard, tout comme le couple Don Terencio et Dona Tomasa et des turcs. Le groupe s’enrichit, il y a de nouvelles générations de géants qui arrivent. On renonce à les faire sortir au début du XX ème siècle mais ils reviennent finalement avec une réorganisation des personnages. La troupe est remaniée en fonction de l’actualité, on fait appel à des artistes pour donner vie aux nouveaux géants.
Désormais, ils participent régulièrement à la fête d’Aste Nagusia, un peu avant la fin du mois d’août. Actuellement, la mairie de Bilbao conserve deux générations de géants : Don Terencio (l’officier de justice) et Doňa Tomasa (son épouse), les villageois, l’Anglais (qui n’a plus voulu partir de Bilbao) et la femme de Bilbao qui l’a séduit, le forgeron et la cigarière, le marin et la femme docker, Isabelle II (reine d’Espagne de 1833 à 1868) et Zumalacarregui (général carliste blessé au siège de Bilbao en 1835), Pichichi et Lina, s’intéressant au sport qui rend hommage à l’Athletic Club de Bilbao et Gargantua.

Et il y a en plus les grosses têtes dont des personnages médiévaux, le diacre et les enfants de chœur, le charbonnier, le lion de l’Athletic de Bilbao et Don Celes. Désormais, chaque quartier a aussi ses géants.
Gexto, à la plage en métro
Ville de tradition portuaire, Bilbao n’est pas une plage. Mais en quelques minutes de métro, on arrive à la station balnéaire de Gexto desservies par trois stations : Areeta, Gobela, Neguri. Dépaysement garanti. On se retrouve en moins de temps qu’il ne faut pour le dire à la plage alors qu’on vient juste de quitter le centre ville.



Gexto s’est développé au début du XX ème siècle quand de riches basques se sont lancés dans les affaires : Hauts fourneaux de Bilbao, Hauts fourneaux de Biscaye, Banque de Bilbao, chantiers navals, chemin de fer, sidérurgie. Il n’est donc pas étonnant que les villas qui bordent la promenade soient de véritables petits palais.

Le style de ces bâtiments oscille entre l’éclectisme, le régionalisme ou joue sur un petit clin d’œil à l’architecture anglaise. Severino Achucarro, Pedro Pelaez, Federico Borda, Daniel Escondrillas, José Maria Basterra ou Francisco Ciriaco Escondrillas font partie des architectes qui ont travaillé sur ces bâtiments.


Ils sont pour la plupart bien entretenus et peu d’entre eux ont été détruits pour laisser la place à des immeubles collectifs nettement moins élégants. Malheureusement, je n’ai pas pu parcourir les Galeries Begoňa, un ensemble aménagé sur sur trois étages et dont les courbes épousent les formes du terrain auquel il est adossé. Ces galeries dessinées par Ricardo Bastida en 1918 et permettaient de contempler la plage.


A l’intérieur, des pièces et des passages ont été aménagés, paraît-il. Mais elles étaient fermées pour cause de travaux, lors de mon passage. Autre bâtiment, qui a les pieds des l’eau, la station de sauvetage.


On doit cette station de sauvetage à Ignacio Maria Smith qui la termina en 1920. L’architecte s’est amusé à donner un style différent à chaque façade.

Si le parapet qui borde la première partie de la promenade est battu par les flots, la seconde partie donne sur une vaste plage où chacun a largement sa place pour ne pas être gêné par son voisin de serviette. Gexto est donc un lieu privilégié, tant par son architecture que par sa plage très tranquille.
Deux séjours à Bilbao ne m’ont pas permis de voir tout ce que j’avais prévu de découvrir. Il faudra donc que je revienne dans cette ville agréable, où les touristes ne déferlent pas en hordes, et qui beaucoup plus riche en matière de patrimoine et d’architecture que l’imaginent ceux qui le traversent ou qui n’y viennent que pour une exposition du Guggenheim.

Absolument superbe tu as réalisé un travail admirable 🙂 hésites pas à venir faire un tour sur mon site Intel-blog.fr et à t’abonner si ça te plaît 😀
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Merci, c’est toujours rassurant d’avoir ce genre de retour. Je voulais montrer Bilbao sous un jour un peu différent. Je vais aller jeter un coup d’oeil à ton blog.
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Bah écoute tu as vraiment fais un super boulot, merci à toi 😀
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