Mon voyage à Ljubljana avait été motivé en grande partie par le patrimoine Art nouveau de cette ville et par ses architectes célèbres dont Maks Fabiani et Joze Plecnik. La capitale de la Slovénie est un champ d’investigation fabuleux pour les amateurs d’architecture.
Il serait réducteur de se concentrer sur l’Art nouveau à Ljubljana car cette ville est d’une richesse architecturale étonnante. A commencer par ses immeubles baroques qui lui donnent fière allure. Mais l’Art nouveau que j’affectionne tout particulièrement y est joliment traité. Le coup d’envoi Art nouveau a été donné par le pont aux dragons conçu par Jurij Zaninovich en 1901.
Et le tremblement de terre de 1895 qui a ébranlé Ljubljana a permis aux architectes adeptes de l’Art nouveau de trouver quelques terrains libres pour s’exprimer. Miklosiceva cesta et le parc attenant foisonnent d’immeubles remarquables. Mais Il y en a aussi ailleurs. Le centre de Ljubljana est assez ramassé, il ne faut pas se priver de l’arpenter dans tous les sens.
Le long de Miklosiceva cesta, l’Art nouveau en majesté
Juste avant l’embranchement de Miklosiceva cesta, la maison Hauptman (2 Wolfova Ulica) construite en 1873 avait été épargnée par le tremblement de terre mais son nouveau propriétaire, Adolf Hauptman, a confié sa rénovation à Ciril Metod Koch qui l’a transformée avec des céramiques de couleurs.
Tout près, 3 Copova ulica, la Caisse d’épargne de Ljubljana, qu’on doit à Josip Vancas, est aussi une belle réalisation Art nouveau.
En face de la maison Hauptman, séparée par l’église Franciscaine de l’Annonciation à Marie, la Galerija Emporium, 1 Trubarjeva cesta, dessinée par Friedrich Sigmundt est restée depuis 1903 un grand magasin dont la porte est protégée par une élégante marquise.
L’escalier central à double révolution joue sur les transparences.
4, Miklosiceva cesta, la Banque de prêts bancaires construite en 1907 par Josip Vancas est un vaste bâtiment sur la façade duquel est utilisé tout le vocabulaire du style Art nouveau : carreaux bleus, motifs végétaux, ferronneries aériennes et personnages en partie haute.
Le Grand Hôtel Union, 1 Miklosiceva cesta, occupe tout un pâté de maison.
L’architecte Josip Vancas avait veillé à en faire un bâtiment ultra-moderne avec l’électricité, le chauffage central et des ascenseurs.
La Banque coopérative d’Ivan Vurnik, 8 Miklosiceva cesta, est sans doute le bâtiment le plus original de Ljubljana toutes époques confondues.
Il puise son inspiration dans les traditions de la Slovénie. Edifié en 1921, sa façade est décorée par Helena Vurnik, l’épouse de l’architecte née à Vienne.
Les couleurs sont vives. Sur fond orange, fenêtres, avant-toit et étages sont soulignés de motifs bleus et jaunes qui donnent à cette façade un pouvoir hypnotique.
J’ai pu pénétrer dans le hall de la banque, l’éblouissement continue avec des motifs de ce genre qui habillent les murs et de somptueuses fresques.
Malheureusement, il m’a été interdit de prendre des photos. Le bâtiment du 16 Miklosiceva cesta imaginé par Max Fabiani est beaucoup plus sobre.
Les portraits en céramique qui sont apposés en partie haute sont de l’artiste autrichien Franz Kirsch. La maison Regalli, 18 Miklosiceva cesta, qui a été édifiée entre 1904 et 1906 est dotée d’une tourelle d’angle envahie par un décor de végétation.
Semblant lui répondre au 20 Miklosiceva cesta, la maison Krisper, un autre immeuble d’angle est lui aussi pourvu d’une tourelle.
Maks Fabiani l’a entouré d’arabesques en « coup de fouet » ponctuées de pastilles bleues, jaunes et roses.
Dans la rue perpendiculaire, Tavcarjeva ulica aux numéros 10,11, 13 et 15 quelques immeubles valent le détour.
Le numéro 10 est assez spectaculaire avec ses ondes gravées dans le relief du revêtement et l’or qui rehausse les reliefs de la façade.
Autour du parc Miklosicev, l’Art nouveau s’expose à Ljubljana
Longeant Miklosiceva cesta, le parc Miklosicev dont le réaménagement avait été confié à Maks Fabiani en 1899, après le tremblement de terre de 1895, est cerné de bâtiments Art nouveau réalisés entre 1900 et 1907. L’imposante maison Cuden est couronnée d’un globe, 3 Cigaloteva ulica.
La maison Pogacnik,Au 1 Cigaletova ulica, le porche de la maison Pogacnik est surmonté d’une femme bras écartés.
La maison Hribar, 2 Tavcarjeva ulica, est l’œuvre de Maks Fabiani qui a posé sur ses façades qui ondulent de superbes petites têtes de lion dorée.
La maison du 3 Dalmatinova ulica est, pour partie, couverte de damiers en céramique.
Tandis que l’ancienne Banque agricole, 1 Dalmatinova ulica, 44 Slovenska ulica, a été orné par Ciril Metod Koch a orné de carreaux sous l’avant-toit et de paniers fleuris peints et rehaussés de céramique autour des fenêtres du premier étage.
De l’Art nouveau au gré des promenades à Ljubljana
Plus épars dans Ljubljana, d’autres immeubles s’inscrivent aussi dans la mouvance Art nouveau. Ainsi, j’ai été étonnée par la façade harmonieuse du bâtiment 9 Beethovnova ulica, constellée de petits carrés dorés.
La maison allemande est en fait, un grand ensemble 11 Slovenska cesta, qui avait été commandé par la Caisse d’épargne carniolienne au cabinet d’architecte d’Ernest Schäfer pour loger ses employés. Le nom du bâtiment est lié au fait que cette banque avait des capitaux allemands.
Cette réalisation qui adopte la rigueur de la Sécession viennoise n’est pas entretenue comme elle le mériterait.
Au rez-de-chaussée, l’espace de galerie marchande qu’elle abritait est plus ou moins abandonnée, sur le côté 8 Gradisce ulica, le bâtiment n’est pas mieux conservé.
Mais sur cette rue, le bâtiment est encore plus ample et au centre, les deux derniers étages sont aménagées en galerie.
Les trois angelots en terre cuite sont protégés par un genre de chapeau en tôle qui nuit à leur beauté.
Reste, l’équilibre des volumes, le charme des angelots et l’apport de céramique noire, blanche et or qui soulignent portes et fenêtres et qui est aussi utilisée pour les couronnes que portent les chérubins.
1 Erjavceca cesta, le Théâtre national dramatique slovène par Alexander Graf est assez classique.
L’ancien lycée de jeune fille de Maks Fabiani qui est désormais occupé par le Ministère des affaires étrangères affiche une fausse simplicité très élégante avec ses lignes fluides.
Joze Plecnik, un architecte singulier
Joze Plecnik (1872-1957) est un architecte slovène dont l’œuvre est particulièrement originale.
Elève d’Otto Wagner à Vienne, il a travaillé à Vienne, à Prague et bien évidemment à Ljubljana où son œuvre ne passe pas inaperçue. Le triple pont construit entre 1929 et 1932 est particulièrement marquant car il fait la jonction entre la Vieille Ville et la ville du XIX ème siècle. Plecnik a eu l’idée faussement simple d’entourer deux nouvelles travées le pont central qui remontait à 1842 et qui était devenu insuffisant pour le trafic. Des escaliers permettent de descendre vers la Ljubljanica. Le tout forme un ensemble en forme de z parfaitement harmonisé grâce aux rambardes en pierre qui borde le pont de tous les côtés.
Juste à côté, il a fait du marché couvert (1940-1945) une longue galerie à colonnades qui longe la Ljubljanica avec des espaces entre les bâtiments pour alléger le bâtiment.
En fait, cette halle étroite et toute en longueur se compose de différentes échoppes en retrait, derrière la galerie. Une sobriété et une élégance qui me font plus penser à un lieu de détente ou de culture.
Mais ce cadre aux lignes équilibrées et élancées sont un bel hommage aux produits du terroir et aux professionnels qui les travaillent. Plecnik a aussi recomposé la cour d’un ancien couvent des chevaliers teutoniques (1952-1956) devenu un établissement scolaire.
On retrouve là le dessin épuré de Plecnik dans la pergola, les luminaires et la tour sur laquelle viennent s’encastrer des jarres.
En face le bâtiment à arcades est décoré de sgraffites.
Tout près de là, Plecnik a aussi érigé le monument à Napoléon et à l’Illyrie (1929). Sur cet obélisque placé de façon à être vu depuis Vegova ulica et Rimska cesta brille le visage doré de Napoléon.
Toujours dans le même secteur, la somptueuse bibliothèque universitaire nationale (1936-1941), 1 Turjaska ulica, considérée comme le bâtiment le plus important de l’architecte dans son pays natal.
Il a été construit à la place d’un palais détruit à l’occasion du tremblement de terre de 1895. Il se compose de quatre ailes formant un carré autour d’une cour centrale.
La façade est saisissante avec sa composition de briques rouges et de blocs de pierre grise taillés en relief.
De nombreuses fenêtres viennent en outre s’insérer dans ce gigantesque canevas. La porte principale est à la mesure du bâtiment : massive et impressionnante.
Elle donne l’impression d’être à la hauteur de son rôle de gardienne des livres que renferme la bibliothèque.
L’escalier central dans le prolongement de la porte est encadré par de hautes colonnes en pierre noire veinée, un ensemble majestueux et presque intimidant qui conduit à la salle de lecture, le saint des saints.
J’ai pu y pénétrer derrière un étudiant qui avait une carte magnétique d’accès mais interdiction de prendre une photo de cette vaste salle aux suspensions puissantes ou même d’y rester.
Je suis revenue dare-dare contempler le hall qui, à lui seul, mérite qu’on s’attarde dans cette bibliothèque hors norme. Le lycée qui se trouve 1 Subiceva ulica (1939-1941) dont la façade est scandée par une série d’arcades est moins démonstratif.
Je regrette de n’avoir pas eu le temps la maison de Plecnik, 4 karunova, dans le quartier de Trnovo, en revanche en revenant de Bled, je me suis arrêtée à Kranj. Une ville agréable mais qui ne correspondait pas à la description dithyrambique du guide.
Me promenant, j’ai été irrésistiblement attiré par un curieux bâtiment, 27 Koroska cesta, qui m’a fait penser à Plecnik.
Sa taille imposante à l’échelle de Kranj m’a même incitée à croire que c’était un bâtiment public : arcades, longue galerie à l’avant du bâtiment, réverbères assortis et intégrés, porte imposante. Renseignement pris, il s’agissait d’une construction privée dessinée en 1936 au cours d’un séminaire de Plecnik par Niko Bezek, le frère du propriétaire, un chirurgien. Cette construction avait vocation professionnelle aux rez-de-chaussée, les appartements se trouvaient à l’étage. Un ensemble spacieux pour un célibataire.
Si je n’ai pas pu répertorier toutes les créations de Plecnik à Ljubljana ou alentours, j’ai vu au gré de mes déambulations des bâtiments contemporains à ses travaux ou postérieurs dégageant une certaine force et ornés des attributs du pouvoir qu’ils abritent quelque institution ou un établissement bancaire.
Ce langage architectural vaut la peine d’être décrypté.
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Très jolies photos.
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