On n’imagine pas facilement que Moscou, dans toute sa rigueur, puisse être une ville qui s’est ouverte à l’Art nouveau. Et pourtant, il existe quelques belles réalisations qui apportent une touche de poésie à la capitale russe.

Belles ondulations de la rampe d’escalier de la Maison musée Gorki à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
L’Hôtel Metropol
L’Hôtel Metropol est sans doute le bâtiment Art nouveau le plus important de Moscou. Son emplacement exceptionnel à côté du Bolchoï et tout près de la Place Rouge le rend encore plus visible.
A cet emplacement, existaient depuis 1850 l’hôtel et les bains Chelyshy. Rachetés par l’Association des assureurs de Saint-Pétersbourg, ils devaient laisser la place au plus grand hôtel de Moscou avec 400 chambres pour lequel le nouveau propriétaire avait lancé un concours en 1896.
En définitive, c’est le jeune architecte William Walcot (1874-1943) né d’un père anglais et d’une mère russe qui remporte le chantier. Il avait fait ses études principalement à Paris. C’est en 1905 finalement qu’ouvre l’Hôtel Metropol dans toute sa splendeur.

Guirlande de personnes aux mouvements souples et bien dans l’esprit de l’Art nouveau qui ceint l’Hôtel Metropol à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Les façades sont abondamment ornées de sculptures sur le thème des saisons par Nikolai Andreev ainsi que par des tableaux en carreaux de Golovin et Mikhail Vrubel, peintre et céramiste.

Une vaste marquise abritant l’une des entrées de l’Hôtel Metropol.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Porte latérale de l’Hôtel Metropol avec un travail de ferronnerie très élégant.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
On lui doit le grand panneau de la Princesse des rêves qu’on peut voir aussi en peinture à la Galerie Tretiakov, inspirée de la Princesse lointaine d’Edmond Rostand, pièce qu’on jouait alors à Moscou.

L’oeuvre de Vrubel, la Princesse des rêves, transposée en céramique sur la façade de l’Hôtel Metropol à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Tableau de Vrubel à la Galerie Tretiakov à Moscou, inspiré de la Princesse lointaine d’Edmond Rostand.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Walcot s’était d’ailleurs familiarisé avec la céramique sous l’égide de Vrubel à l’atelier Abramtsevo. Cette Princesse des rêves de Vrubel fut d’ailleurs refusée par le jury de la foire de Nijni Novgorod de 1896. L’artiste dut construire un pavillon à l’extérieur pour exposer son œuvre.

Vitraux de la cage d’escalier de l’Hôtel Metropol qui donnent, de l’autre côté, sur la salle à manger.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
En dehors de ses magnifiques décors, l’Hôtel Metropol est pourvu de tours d’angles carrées et de tourelles effilées tout autour du toit.

Motifs de fleurs et de fruits en verre imprimé à l’Hôtel Metropol.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Détail des vitraux posés en bandeau au-dessus de la cage d’ascenseur de l’Hôtel Metropol.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
En outre, à une certaine distance, on peut voir dépasser la grande coupole en vitraux qui éclaire la salle à manger. A l’intérieur, vitraux colorés ou imprimés font partie des décors. Le Metropol a connu quelques moments difficiles, fin 1907 il avait été occupé par les cadets de l’école militaire qui s’y étaient retranchés. En 1918, les leaders soviétiques y résidaient et tenaient leurs meetings dans la salle à manger.
Rouvert en tant qu’hôtel en 1931, il a été restauré à partir de 1986 avant de redevenir en 1991, l’ancien palace qu’il était à ses débuts.
La Maison Ryabushinky ou Maison musée Gorky
La Maison Ryabushinky avant de devenir la Maison musée Gorky fut construite pour Stepan Ryabushinky, membre d’une famille de banquiers et de commerçants et homme religieux.
Il fit appel à l’architecte Fedor Chekhtel, l’un des tenants de l’Art nouveau russe. Construite entre 1900 et 1902, cette maison dont le jardin est bordé d’une grille en fer forgé aux belles volutes rondes, joue sur les décrochements du toit et sur des ouvertures de formes variées.

Fleurs en mosaïques décorant une partie des façades de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
En partie haute de certains pans de murs, des mosaïques dessinent iris et orchidées. L’escalier intérieur est spectaculaire avec ses mouvements souples et les découpes de sa rampe qui évoquent des vagues.
Au rez-de-chaussée, l’éclairage intégré est recouvert d’un abat-jour en vitrail.

Chapeau en vitraux de la lampe de la rampe d’escalier de la Maison musée Gorki à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
La cage d’escalier est éclairée par un vitrail allongé dans des tons de bleu.

Grand vitrail avec balcon surplombant la cage d’escalier de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Au premier, sur le palier, le chapiteau de la colonne qui soutient une découpe dans le mur est constitué d’un enchevêtrement de salamandres et de serpents.

Arrondis de la découpe pour éclairer le couloir au premier étage de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Chapiteau du pilier en haut de l’escalier de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Dans le grenier, une chapelle secrète a été aménagée.

Depuis la chapelle de la Maison musée Gorki, vu du couloir qui y amène.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Car les pratiques anciennes, antérieures aux réformes de 1650 étaient interdites. Elles n’ont été autorisées qu’à partir de 1905, ce qui explique qu’il y ait de nombreuses chapelles secrètes en Russie.
Renvoyant à un culte ancien, la chapelle est cependant ornée de motifs Art nouveau, la modernité à l’époque.

Tons chauds et dorés des décors de la chapelle de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Fenêtres étroites et arche de la chapelle de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Suite à l’émigration de la famille Ryabushinky en 1917, les soviétiques ont nationalisé cette maison qui devint, entre autres, un institut de psychanalyse pour enfants.

Les baies vitrées de la Maison musée Gorki sont retravaillées avec des cloisonnements en bois.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Après l’arrestation de son directeur, elle fut transformée en école maternelle pour les enfants des notables du Kremlin dont Vasya, fils de Staline.

Actuellement condamnée, la porte d’entrée officielle de la Maison musée Gorki à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Elle accueillit ensuite la Société des relations avec les pays étrangers avant d’être octroyée à Gorki, à son retour d’Italie, en mai 1931.

Encadrement de porte de la Maison musée Gorki en bois sculpté.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Fruits stylisés au-dessus d’une porte de la Maison musée Gorki à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Poignée de porte en métal de la Maison musée Gorki rappelant les fruits sculptés dans l’encadrement en bois.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Ce dernier qui y recevait d’autres écrivains comme Romain Rolan et George Bernard Shaw et des notables du régime comme Staline.

Lilas ou ombelles et escargots envahissent les plafonds de la Maison musée Gorki.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
N’appréciant pas cette architecture, il eut quelques initiatives très malheureuses comme le retrait de cheminées et il dissimula les papillons du hall.

Les portes des pièces non visitables et des placards sont scellés à la Maison musée Gorki pour éviter que les petits curieux ne prennent trop de libertés.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
La gare Yaroslavl
La gare Yaroslavl construite en 1902 est une autre réalisation d’ampleur de Fedor Checkhtel.
Elle devait être le symbole de l’ouverture vers le nord de la Russie.
Il s’inspira des églises et des maisons en bois mais aussi des monastères pour en faire une création unique et originale.

Détail du soubassement d’une colonne de la gare Yaroslav à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
L’ensemble est plus dodu que massif avec ses tours rondes et les toits pointus qui viennent les coiffer en s’y emboîtant.

Tour rebondie en briques rehaussée par des motifs en relief de pommes de pin et des céramiques.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Les colonnes en hauteur ont pour socles des rondes d’ours blancs et des motifs de fraises géantes se détachent sur un des fonds de carreaux bleus qui encadrent la grande entrée.

Beau travail sur le bois de ce genre de toit qui souligne et protège cette céramique de la gare Yaroslavl à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.

Vue d’ensemble de cette tourelle de la gare Yaroslalv à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Ça et là, d’autres panneaux en céramique apportent une touche de couleurs.

Hall d’entrée de la gare Yaroslav à Moscou. Entre les piliers des frises découpées évoquent la vie du nord de la Russie avec des scènes de pêche ou des animaux de la forêt.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Le hall d’entrée en stuc est peuplé de médaillons de Konstantin Korovin représentant la faune et la flore des lointaines contrées du nord de la Russie.

Colonnes dans le hall d’entrée de la gare Yaroslavl à Moscou. Les animaux du nord de la Russie s’y sont donné rendez-vous.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
En haut des arches, des frises immaculées affichent grâce à un système de découpes, des petites scènes de la vie quotidienne du nord.
Le Théâtre d’Art de Moscou
Le Théâtre d’Art de Moscou qui a pris la suite du Théâtre Lionozov a été remanié en 1902 par Chekhtel. Il se trouve à l’angle de Tversakaïa et de Lamergerskiy. A noter que si le bâtiment n’est pas aussi représentatif que d’autres réalisations de l’architecte, c’est qu’il n’a pas été totalement achevé faute de fonds.
Mais la porte de droite (quand on regarde la façade sur Lamergerskiy) est très réussie avec sa porte en chêne surmontée d’une sculpture d’Anna Golubkina qui avait travaillé avec Rodin. Par ailleurs, des céramiques d’Abramtsevo habillent les murs de part et d’autre de la porte.
La Maison Pertsov
La Maison Pertsov bâtie entre 1905 et 1907 était une commande de l’ingénier Piotr Pertsov, collectionneur et mécène.

Silhouette complexe avec des volumes et des reliefs étonnants de la Maison Pertsov à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Cet immeuble de rapport situé tout près de la Cathédrale du Christ-Saint-Sauveur devait être à la fois original et refléter la culture russe. Un jury composé notamment de Vasnetsov et de Chekhtel a retenu le projet de l’artiste Sergueï Malioutine et de l’ingénieur Nikolaï Joukov. En briques rouges, l’immeuble est doté de pignons pointus qui lui confèrent un silhouette tout à fait unique. Les panneaux en céramique ont été créés par de jeunes artistes de l’atelier Mourava sur le thème des divinités et des animaux.
C’est sans doute la raison pour laquelle, on appelle ce bâtiment «la Maison des contes Pertsov ». Des artistes, comme Kasimir Malevitch, séduits par l’originalité de cet immeuble y ont vécu, tout comme par la suite Léon Trotski. En 1908, le cabaret-théâtre « Chauve-souris » y donnait ses représentations au sous-sol. Désormais, la Maison Pertsov est occupée par le ministère des affaires étrangères de la Russie.
La Maison Sokol
La Maison Sokol du nom de son propriétaire est située 3 Kuznetsky Most.
Construite entre 1902 et 1903 par Ivan Mashkov, elle présente une façade qui joue avec les reliefs et les courbes avec quelques belles ferronneries.

Portement à l’encadrement très en relief de la Maison Sokol à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Mais l’élément le plus spectaculaire est la grande fresque au vautour survolant des flots orageux de Nikolaï Sapunov et réalisée par l’atelier Abramstevo.
Elisseïev
Elisseïev ne peut qu’attirer le visiteur.
Cette gigantesque épicerie fine sur Tverskaïa présente tout ce qui se fait de mieux en matière de gastronomie à Moscou.
Mais l’espace est aussi remarquablement aménagé.

Sur fond de colonnes aux décors chargés et panneau de bois délicatement ouvragé, un grand vase de type Satsuma chez Elisseïv.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut
Occupé en 1820 par une princesse qui y tenait un salon littéraire, cet hôtel particulier est acheté en 1898 par Elisseïev déjà implanté à Saint-Pétersbourg.

Volutes et lustres dans la partie cave à vins d’Elisseïev à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Il fait l’objet de grands travaux pour être transformé en palais dédié à la gourmandise.

Elégantes garnitures de vitrines sur le thème des fleurs et des papillons chers à l’Art nouveau chez Elisseïev.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Volutes, colonnes richement travaillées, lustres en cristal, grands vases tout est fait pour donner un cadre luxueux aux mets les raffinés.
En flânant
Mais il y a bien d’autres constructions Art nouveau à Moscou connues ou plus secrètes. En flânant, on peut faire d’intéressantes découvertes comme celle de cet immeuble, situé derrière Tverskaïa.

Bâtiment habillé de céramique que l’on aperçoit depuis l’arche d’un grand immeuble de Tverskaïa à Moscou.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
Bien qu’il soit peu mis en valeur, étouffé par les constructions environnantes et pas très bien entretenu, sa façade avec ses arches et ses céramiques a beaucoup d’allure.

Entrée de ce même immeuble d’esprit Art nouveau qui a connu des jours meilleurs.
Photo City Breaks AAA+, Claude Mandraut.
A consulter
Moscow Art nouveau, Kathleen Berton Murrell, 1997, Philipp Wilson Publishers.
Quelle belle ville! Et l’article est très intéressant, j’aime vos idées. Images magnifiques, très détaillées. Bravo!
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Merci pour cette richesse de l’art nouveau et de l’art déco ! Je souhaite être informé de nouvelle découvertes
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L’Art nouveau et l’Art déco font partie de mes « obsessions ». Le prochain article que je vais mettre en ligne ne portera pas sur le sujet pour une fois puisqu’il s’agit d’un voyage à Pise et à Sienne. Grenade ne devrait pas non plus m’offrir trop d’opportunités dans ce registre. Mais je vais me rattraper à Milan, à Nancy et enfin à Zagreb d’ici la fin de l’année.
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