L’Hôtel España à Barcelone est une adresse qui mérite le détour, encore plus pour les amateurs d’Art nouveau ou de Modernisme, pour faire référence à l’appellation locale de ce mouvement. Il s’inscrivait parfaitement dans la visite moderniste de Barcelone que j’ai faite.

La Salle des sirènes de l’hôtel Espana (Barcelone) est éclairée par une grande verrière qui fait office de plafond.
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Histoire
L’Hôtel España*et sa construction sont liés à l’histoire du Raval, quartier de Barcelone. La ville connaissant au fil des ans une expansion toujours soutenue, les manufactures de textile, notamment, se sont installées dès le XVIIème siècle dans le Raval, quartier hors des murailles. Le Raval qui est très florissant au XVIIIème siècle avec les usines, entourées des logements des patrons et des ouvriers devient le quartier à la plus forte densité de population en Europe. Le Gran Teatro del Liceo s’y installe au XIXème siècle et on construit aussi carrer Sant Pau, un bâtiment de deux étages pour accueillir Los Baños de la Palma. Fin 1857, José Colomer achète une grande maison au 11 de la carrer Sant Pau dans l’intention d’y créer un hôtel. L’Hôtel España est inauguré le 1er janvier 1859 après d’importants travaux. Rapidement, le besoin se fait sentir d’agrandir l’hôtel. Les bains sont racheté en 1863 pour cette raison. Un quatrième étage est ensuite aménagé en 1867. L’Hôtel España est un établissement réputé et animé qui accueille quantité de personnalités. Propriétaire depuis 1895 de l’établissement rebaptisé Grand Hôtel d’Espagne, Miguel Salvado Llorens, industriel du textile mais aussi homme cultivé, cherche à le moderniser. Il en confie la rénovation en 1898 à l’architecte bien connu, Lluis Domenech i Montaner.

Escalier en marbre blanc de l’Hôtel Espana (Barcelone) et sgraffites roses avec des allégories de Castille et Léon.
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Des sgraffites bleus habillent les murs du Patio Bondia, appelé autrefois Patio de Luces. Certaines muses tiennent en effet un panneau Bondia, d’autres un panneau Bonanit.
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Le chantier ne se déroule pas sans incident. Le propriétaire est accusé de couvrir sans autorisation une cour intérieure. L’architecture restructure la construction et y installe le confort avec notamment un ascenseur.

A l’occasion de la fin des travaux de la cour intérieure de l’Hôtel Espana (Barcelone), une mosaïque a été posée, portant la date 1900.
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Des motifs en céramique ont été conservés au sol, dans les couloirs de l’Hôtel Espana (Barcelone), protégés par une vitre.
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Mais ce qui est le plus remarquable à l’Hôtel España, ce sont ses magnifiques décors, colorés et chargés de symbole, ce qui valut à l’établissement de recevoir de la ville de Barcelone le « prix du plus bel édifice » aux côtés de la Maison dorée en 1904 bien que la salle à manger des hôtes et le vestibule de réception aient été inaugurés en 1900.

Bel ensemble orchestré par Lluis Domenech i Montaner pour la salle de restaurant, la Fonda Espana. Marbre rose aux murs, plafonds à caissons, mosaïques dont une amusante frise de poissons en partie haute.
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A l’arrivée des années 30 et avec la Guerre Civile espagnole, l’hôtel commence à péricliter et ne se relève plus jusqu’à son rachat par le Groupe Cadarso en 2004 et, après d’importants et respectueux travaux de rénovation, son exploitation par le groupe Condes Hotels.

Assemblage de motifs en céramiques courant autour de la salle de la Fonda Espana : blasons héraldiques des villes d’Espagne et végétation luxuriante du pays alternent.
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Ce petit bijou du Modernisme est à nouveau magnifiquement mis en valeur et ce n’est que justice.

Caissons du plafond et détail de la frise en bois courant autour du restaurant de l’Hôtel Espana (Barcelone).
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Situation
L’Hôtel España est très bien situé à Barcelone dans la mesure où la petite rue Sant Pau est perpendiculaire à la Rambal, à mi-chemin entre la Plaza Catalunya et le Passeig de Colom. Le Liceu en est l’immeuble d’angle et la station de métro Liceu à quelques mètres. Mais, depuis l’hôtel, on peut déambuler, se mêler à la foule, se rendre à de nombreux endroits à pied.

Composition à partir des motifs d’inspiration marine de la Salle des sirènes de l’Hôtel Espana.
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Réception
La qualité de la réception de l’Hôtel España, à Barcelone, est fluctuante. J’avais envoyé un mail quelques jours avant mon arrivée pour m’assurer qu’il n’y avait aucun problème avec ma réservation. Personne n’y a répondu. Si certains employés sont un peu désinvoltes ou manque d’assurance pour traiter avec les autres services de l’hôtel, Jon est une jeune femme extrêmement professionnelle, agréable et compétente. C’est d’ailleurs elle que j’avais eu au téléphone, suite à mon mail sans réponse, et qui m’avait rassurée. Elle parle en outre un français parfait, ce qui facilite les échanges avec les francophones.

Dans le hall d’entrée, luminaire en laiton avec deux lions et les blasons de la Catalogne.
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Dans le Patio de las monjas de l’Hôtel Espana (Barcelone) avec sa verrière sur le toit et celle qui, plus bas, sert de plafond à la Salle des sirènes, les lumières sont suspendues dans l’espace comme des gouttes d’eau.
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Chambre
Je ne peux pas dire que je sois totalement convaincue par la chambre de l’Hôtel España que nous avons eue, la 402, qui est pourtant, paraît-il l’une des plus grandes de l’hôtel en dehors des suites. Même en sachant que les chambres ont été aménagées dans un bâtiment ancien avec les contraintes que cela implique, on peut difficilement admettre certains désagréments liés à l’agencement qui n’a pas été optimisé. L’ameublement est peu recherché dans les matériaux et les formes, sans doute au nom de la sobriété. Une chambre moderne, sans charme particulier.
Le placard-penderie est malcommode au possible. Les deux tiroirs sont au ras du sol, le coffre posé dessus est aussi très bas, ce qui ne facilite pas les opérations d’ouverture et de fermeture. L’étagère supérieure est tellement haute qu’elle est inaccessible. Comme il n’y a aucun endroit pour ranger les valises, on est obligé de les mettre dans la penderie en froissant les vêtements. En revanche, la place occupée par le canapé sans grande utilité aurait pu être mise à profit pour offrir des rangements supplémentaires ou un support pour les valises.
Les panneaux lumineux derrière lit étaient dévissés et faisaient un bruit très dérangeant lorsqu’on les effleurait, ce qui arrivait assez souvent puisque la tête de lit était particulièrement basse. Pas de coussins ou de couvertures supplémentaires disponibles, il aurait fallu les demander. J’ai constaté que mon drap avec un trou d’usure. Un détail qui n’est compatible avec le niveau d’un 4 étoiles. A souligner une attention très appréciable, les deux bouteilles d’eau et de jus de fruit, les sachets de cacahouètes et les gourmandises sucrées dans le réfrigérateur étaient renouvelés gratuitement tous les jours. Pratique aussi, la bouilloire et les sachets de café et de thé. Pas de chausse-pied, pas de petite trousse de couture, rien pour nettoyer les chaussures.
La salle de bains
Astuce intéressante, la salle de bains est séparée en trois zones par des panneaux et des portes en verre sérigraphiés. Les toilettes à gauche, les lavabos au centre, la douche à gauche. Toilettes et douche sont spacieuses mais la partie lavabos est réduite à sa plus simple expression : deux lavabos carrés et plan de travail quasi-inexistant. Il est donc impossible de poser un rasoir, des produits de maquillage et encore moins une trousse de toilette. Les produits d’accueil sont de qualité mais sans le petit plus qui fait plaisir, pas de coton, de lime ou autre petit accessoire. Faute de place, la boîte à kleenex est placée sur une étagère, sous les lavabos, pas très commode. Aucune patère en dehors de celles qui sont dans la douche. On ne sait pas où poser ses vêtements ni même les serviettes. Peignoirs et sandales sont posés sur le canapé, faute de place dans la salle de bains.

Plan avec les deux lavabos de salle de bains d’une chambre à l’Hôtel Espana (Barcelone).
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Petit-déjeuner
Le petit-déjeuner se prend dans la magnifique Salle des Sirènes, l’ancienne Salle à manger des hôtes.

La Salle des sirènes de l’Hôtel Espana (Barcelone) est divisée en quatre zones qui s’articulent autour grosses colonnes.
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Les murs de la Salle des sirènes sont habillés, en partie basse, de croisillons en chêne entre lesquels viennent s’insérer des cabochons en céramique bleue représentant les emblèmes de régions espagnoles.
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Là aussi le mobilier est simple, pour ne pas dire simpliste et le petit-déjeuner à 16 euros est minimaliste. Sur des ardoises, sont alignées artistiquement mais aussi parcimonieusement quelques rondelles de fruits ou de légumes, un peu de fromage et de charcuterie. Si on se sert copieusement, on vide presque une ardoise. Le saumon fumé manquait singulièrement de moelleux et la puissance de son goût était inquiétante.
Le premier jour, il n’y avait pas yaourts. Les viennoiseries se limitent à des croissants très bons, certes, mais un peu seuls dans leur coin. La panière à côté contient quelques gâteaux aux chocolat. Pas de plat chaud à disposition, il faut demander omelettes, œufs brouillés. Un ou deux autres plats sont proposés mais la gamme est vraiment trop courte. Le personnel n’est pas débordé puisque le client se charge de tout, y compris se servir son thé ou son café. Il faut bien dire que le petit-déjeuner n’est pas à la hauteur d’un hôtel 4 étoiles et ne correspond pas au tarif facturé. Pas à la hauteur non plus, le cuisinier qui hurle pendant un quart d’heure dans son téléphone portable en tournant autour du meuble réfrigéré.
Restauration
Nous n’avons pas pu tester le restaurant car il aurait fallu réserver. En revanche, nous avons essayé la formule Tapeo au Bar Arno.

La salle de repos et de lecture est devenue le Bar Arnau en hommage à Eusebio Arno qui a sculpté cette cheminée représentant les trois âges de la vie. Détail délicat, une famille de chats se trouve au pied de la cheminée : le chat à gauche, la chatte et ses petits à droite.
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Jambon et découverte du Vichy Catalan au Bar Arnau de l’Hôtel Espana à Barcelone.
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Pour une vingtaine d’euros, boisson comprise, nous avons dégusté une série de petits plats tous plus délicieux les uns que les autres : jambon goûteux et fondant avec du pain à la tomate, croquettes au jambon, salade César imaginative, lomo de porc cuit à la perfection accompagné d’un genre de purée d’une douceur renversante et pour le dessert une assiette avec écume de crème catalane d’une légèreté éblouissante, sorbet à la clémentine au parfum puissant et petit gâteau.
Le tout sucré juste ce qu’il faut, sans excès, juste pour que les saveurs ressortent bien. Je me pose la question, comment peut-on dans le même établissement servir des formules parfaitement maîtrisées et réussies comme ce Tapeo et un petit-déjeuner aussi pauvre. C’est un mystère.
Services
Wifi gratuit. Quand vous envoyez un tweet pour signaler un problème, vous n’obtenez aucune réponse. En revanche, j’ai envoyé un mail Nuria Borras, la directrice de l’Hôtel España, qui a tout de suite répondu et a demandé à nous rencontrer. Bien sûr, elle était très déçue par nos critiques mais elle a pris la peine de nous écouter avec beaucoup d’attention et de patience. J’espère qu’elle ne me tiendra pas rigueur de mes commentaires, qui ne sont que le reflet de mon expérience. Mais je trouve que ce magnifique hôtel mérite d’avoir un service et des prestations dignes de celles de Domenech i Montaner.
Mon point de vue
L’Hôtel España à Barcelone possède des atouts incontestables qui sont sa situation et son architecture. Quand on vient à Barcelone et qu’on apprécie l’architecture moderniste, c’est l’adresse qu’il faut choisir. Rares sont les hôtels qui bénéficient d’un cadre aussi recherché. Petit bémol, certains services et prestations sont à réviser pour les mettre à niveau. J’espère donc que, si je reviens à l’Hôtel España, je pourrai constater que l’établissement est à la hauteur de ses 4 étoiles.
Hôtel España, 9-11 c. Sant Pau, Barcelona.
*Hotel España, recherches réalisées par Teresa Serraclara i Pla, docteur en histoire de l’art.